Aponévrotomie à l'aiguille, le traitement non-chirurgical de la maladie de Dupuytren
L'aponévrotomie est devenue le traitement non-chirurgical par excellence de la maladie de Dupuytren avant une prise en charge chirurgicale. Les complications de ce traitement à l'aiguille sont rares.
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La maladie de Dupuytren est considérée depuis sa description en 1831 comme une maladie chirurgicale. Son traitement a été bouleversé par l’émergence de l’aponévrotomie à l’aiguille, traitement non chirurgical, ambulatoire, rapide, performant et peu onéreux, pouvant aisément être réalisé en ville ou en consultation externe par un praticien expérimenté. Ce devrait être aujourd’hui le traitement de première intention de la maladie de Dupuytren.
L’aponévrotomie à l’aiguille initialement développée en France depuis déjà 30 ans (1) s’est progressivement imposée dans le reste du monde et reste hormis la collagénase le seul réel traitement alternatif à la chirurgie conventionnelle.
Le principe de l’aponévrotomie à l’aiguille
Le principe de l’aponévrotomie à l’aiguille consiste à réaliser une ou plusieurs sections des cordes aponévrotiques à l’aide du biseau de l’aiguille utilisée pour l’anesthésie locale. L’aiguille est utilisée pour perforer et trancher petit a à petit la corde aponévrotique comme on le ferait d’un papier avec la pointe d’un compas.
Les conditions d’asepsie doivent être rigoureuses. Désinfection de la main du patient, clampage du site d’intervention et main du praticien gantée stérile. L’intervention est faite sous anesthésie locale ou locorégionale sensitive avec dans le protocole de l’URAM une injection de cortisone.
L’opérateur (médecin rhumatologue ou chirurgien) doit avoir l’expérience de cette pratique qui nécessite une formation spécifique. La section est obtenue par des mouvements répétitifs de l’aiguille qui fragilisent la corde rétractile jusqu’à la rompre. Avec l’habitude, le praticien éprouve la sensation tactile de rupture progressive des fibres sous le biseau de l’aiguille, le doigt étant maintenu en légère traction sans sortir l’aiguille de la peau.
La rupture des fibres restantes est ensuite obtenue par une extension énergique du doigt.
Durée et espacement des scéances
On pratique 1 à 3 aponévrotomies par séance de 10 à 20 minutes, ce qui est en moyenne nécessaire pour récupérer l’extension d’un stade 1, 2 ou 3. L’ordre topographique des points de piqûre est toujours le même : de proximal à distal (palmaire, proximal, médian, distal, cordes palmantes, et digitale première phalange P1, rarement P2 et P3).
Les séances sont espacées d’au moins une semaine. Le port d’une orthèse thermoplastique d’extension passive nocturne est parfois nécessaire. Dans les formes sévères, étendues, palmo-digitales, on peut dans certains cas proposer un traitement par multi-aponévrotomie réalisé lors d’une hospitalisation de jour. Cette solution entre les mains de praticiens expérimentés est une alternative envisageable à la chirurgie des formes complexes de la maladie de Dupuytren. (2)
Pansement et cicatrisation après l'aponévrotomie
Un pansement sec, maintenu par une bande adhésive est gardé 48 heures. L’utilisation de la main est immédiate (sauf pour les travaux salissants). Parfois lors de l’extension du doigt, une petite zone de déchirure cutanée peut se produire, en particulier sur les formes récidivantes où la peau est plus adhérente et fibreuse.
Cette zone de peau ouverte cicatrise facilement mais impose des pansements pendant quelques jours jusqu’à cicatrisation complète et peut retarder la reprise des activités manuelles. Ce n’est pas à proprement parlé une complication mais une variante de cicatrisation.
Les avantages de l’aponévrotomie à l’aiguille
Le coût économique et social de cette technique est très faible. Elle est faisable au bloc opératoire ou en cabinet de consultation et n’impose donc pas une salle d’opération. Les suites ne nécessitent pas d’arrêt de travail et de soins post-opératoires, sauf en cas de travaux salissants surtout en cas de petite déchirure cutanée. Une auto-rééducation est nécessaire pour assouplir le doigt libéré et lui permettre de regagner le maximum d’extension possible.
L’intervention ne laisse aucune cicatrice et les accidents dus au traitement sont rares (moins de 1 pour 1 000). Elle peut, dans certains cas permettre d’améliorer un échec chirurgical. Après avoir appliqué le test de la table si celui-ci est positif, l’aponévrotomie à l’aiguille peut être proposée en première intention si le patient ne présente pas de rétraction digitale majeure, auquel cas une discussion médico-chirurgicale s’impose. Le praticien doit posséder une bonne connaissance de la technique et des variantes anatomiques. Le patient est informé des complications possibles et accepte le traitement itératif.
Dans les cas de récidives ou d’un blocage articulaire, le résultat peut être incomplet.
Les complications possibles après une aponévrotomie
Les accidents inhérents au traitement par l’aponévrotomie à l’aiguille sont rares. On peut néanmoins relever la rupture de tendons fléchisseurs, la section d’un nerf collatéral, des ruptures et invaginations cutanées et exceptionnellement le phlegmon des gaines.
La rupture de tendons
Les ruptures tendineuses sont des complications après l’aponévrotomie tout à fait exceptionnelles et rarement immédiates, survenant généralement après une à trois semaines. Elles sont très rares mais sévères car très difficiles à réparer sur le plan chirurgical, avec des suites longues et pouvant laisser des séquelles sur le plan fonctionnel.
Ces ruptures des tendons fléchisseurs surprennent d’autant plus le patient que la technique est simple et semble peu agressive. Il est donc essentiel que le patient ait été informé de ce risque grave. La prévention ne peut se faire que par la bonne maîtrise de la technique et il faut faire particulièrement attention au pouce chez la femme et aux récidives post-chirurgicales.
La section d'un nerf
La section ou le traumatisme du nerf collatéral d’un doigt est un accident rare. Il se traduit par une altération de la sensibilité ou des douleurs latérales du doigt, rarement définitives mais persistantes pendant plusieurs mois. Le risque est très faible au niveau de la partie proximale de la paume de la main et augmente quand on s’approche du doigt.
La déchirure de peau
La rupture, ou déchirure cutanée, est un accident lié à l’état local et à l’expérience du praticien. La peau peut être infiltrée par le tissu aponévrotique, créant de véritables zones d’adhérences qui risquent d’être fragilisées lors de la dissection des fibres par l’aiguille et se rompre lors de la traction et l’extension du doigt. Ces adhérences peuvent être primitives ou secondaires à des aponévrotomies répétées ou à une chirurgie.
La rupture cutanée peut être minime et considérée comme une simple effraction, mais elle peut parfois être plus importante mais cicatrisant bien en 15 jours avec des pansements adaptés.
Autres complications après un traitement à l'aiguille
Le taux d’infections, mineures, bénignes et sans suites (suintements, fissures sur infectées…) est de l’ordre de 0,7 % des mains traitées.
Le risque de phlegmon reste exceptionnel mais grave et doit donc faire partie de l’information au patient.
L’apparition d’un kyste épidermoïde par inclusion est une complication non exceptionnelle après une aponévrotomie à l’aiguille, mais de traitement facile par la chirurgie et sans conséquence définitive.
Etudes chiffrées prouvant l'intérêt de l'aponévrotomie à l'aiguille
Une étude portant sur 123 mains publiée en 1993 (3) montre que les résultats immédiats d’une aponévrotomie à l’aiguille sont tout à fait comparables en gain d’extension à ceux de la chirurgie.
Le taux de récidives à cinq ans reste élevé (> 50 %) mais proche de certains résultats chirurgicaux, tout en gardant la possibilité de traiter à nouveau les patients dès que la flexion du doigt dépasse 30°.
Les formes sur patients jeunes, l’hérédité, le diabète, la prise d’alcool ou de Gardénal sont des facteurs aggravants et favorisent les récidives de la maladie de Dupuytren. Seules les greffes cutanées, qui sont des interventions un peu plus lourdes, diminuent le taux de récidives.
Une autre étude publiée en 1997 (4), portant sur 992 mains (799 patients) confirme les pourcentages de bons résultats immédiats (93 % pour le stade 1, 78 % pour le stade 2, 71 % pour le stade 3 et 57 % pour le stade 4), ce qui incite à traiter rapidement les patients avant une flexion trop avancée.
Il existe actuellement un consensus médico-chirurgical assez large pour traiter les formes palmaires isolées à l’aiguille. Ces formes sont simples à traiter et les résultats en gain d’extension excellents avec des risques très faibles pour cette intervention.
Un traitement aussi efficace pour les formes digitales de Dupuytren
Pour les formes de Dupuytren avec atteinte digitale, le problème est bien plus complexe avec un traitement à l’aiguille plus difficile, plus risqué et aux résultats moins bons. Ce risque de complications tendineuses et vasculo-nerveuses est dû à la proximité anatomique lors de l’aponévrotomie des tendons et nerfs. Le gain d’extension du fait de la raideur de l’articulation interphalangienne proximale du doigt est moins bon.
Cependant, une étude prospective de toutes les formes digitales pures traitées à l’aiguille (5) a permis de confirmer que l’aponévrotomie donne de bons résultats dans toutes les formes de la maladie de Dupuytren, même si ils sont moins bons pour les formes digitales. Leur traitement reste en outre techniquement plus difficile, ce qui est aussi le cas pour une prise en charge chirurgicale.
Le traitement à l’aiguille peut être le cas échéant réitéré sur les mêmes zones à plusieurs reprises du fait de son faible effet traumatisant, surtout dans les formes où la fibromatose palmaire « repousse » rapidement, se prêtant mal à une chirurgie itérative, ou dans des formes digitales répondant bien au traitement mais récidivant rapidement et de façon multiple.
SOURCES :
(1) (Lermusiaux J.L., Debeyre N. Le traitement médical de la maladie de Dupuytren. Actualité rhumatologique présentée au praticien. Paris Expansion Scientifique Française Ed. 1980 : 338-343).
(2) (J Beaudreuil, et coll., URAM, Service de Rhumatologie, CHU Lariboisière, Paris, Multi aponévrotomie pour maladie de Dupuytren. Étude avec 18 mois de recul (congrès SFR 2007)
(3) Source : Badois F., Lermusiaux J.L., Massé C, Kuntz D. Le traitement non chirurgical de la maladie de Dupuytren par aponévrotomie à l’aiguille. Rev. Rhum. 1993 ; 60 : 808 – 813
(4) Source : Lermusiaux J.L. ; Lellouche H., Badois F., Kuntz D. Le traitement de la maladie de Dupuytren en 1997. Rev. Rhum. (Ed. Fr.), 1997, 64 (12), 889 – 891
(5) Source : Lermusiaux JL, Badois FJ, Lellouche H. Maladie de Dupuytren. Rev Rhum. 200; 68: 542-7