Traitement de la maladie de Dupuytren : Ralentir cette maladie de la main

Chaque patient possède une carte génétique prédéterminée. La stratégie de traitement de la maladie de Dupuytren est donc à définir individuellement et à adapter en fonction de l'évolution de la maladie.

La maladie de Dupuytren doit être appréhendée comme une maladie de la main évoluant tout au long de la vie du patient. La prendre en considération de façon ponctuelle le jour de la consultation est une erreur, car sa prise en charge serait alors envisagée à court terme et ne permettrait pas d’offrir le meilleur pronostic face à cette maladie hautement récidivante.

Le but de l’analyse est donc d’évaluer le profil évolutif constaté et prévisible de l’atteinte. Pour étayer cette analyse prévisionnelle dont dépend l’organisation du traitement de Dupuytren, il convient d’effectuer un interrogatoire poussé du patient sur ses origines, sa famille, les différentes localisations de la maladie, la date et la vitesse d’évolution de l’atteinte et sur les facteurs de risques associés.

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Bon résultat à plus de 7 ans de recul d'une Dupuytren sévère opérée avec greffes de peau

Cet interrogatoire assez intime est essentiel pour pouvoir appréhender le futur, ce qui reste bien évidemment compliqué. Néanmoins, la prise en charge de la maladie de Dupuytren doit se gérer comme une partie d’échec. Face à un adversaire coriace, il convient de prévoir les coups suivants à l’avance.

L’idée essentielle est donc non pas seulement d’obtenir un résultat immédiat plaisant, mais aussi d’avoir une prise en charge globale tout au long de la vie du patient pour le protéger au mieux d’une évolution ultérieure péjorative. Parfois, le résultat à court terme d’un traitement de Dupuytren compromet le résultat à plus long terme. Certaines erreurs stratégiques se payent cher en termes de handicap fonctionnel.

Le projet est donc ambitieux. Il impose une prise en charge sur le long terme par un praticien avec une très grande expérience de cette maladie de la main et quant à toutes ses conséquences possibles. Cette expérience est à la fois technique et stratégique.

Une prise en charge individuelle de la maladie de Dupuytren

La carte génétique d’un patient prédétermine tout au long de son existence quel va être le cours évolutif de la maladie de Dupuytren. Au cours de sa vie, certains évènements vont par contre avoir une influence importante. C’est vrai pour les facteurs de risques décrits mais aussi pour les traitements de la maladie de Dupuytren choisis. Un patient donné pourra très bien réagir à un type de prise en charge de sa maladie de Dupuytren là où un autre patient, identique dans la présentation de sa maladie et dans son profil, aura une réponse mauvaise.

Il convient donc d’avoir une analyse du cours évolutif de la maladie pour chaque patient pour faire le choix le plus approprié quand on prend en charge une maladie de Dupuytren. Ce traitement à la carte aide à minimiser le risque d’échec. Le timing de mise en route du traitement est également déterminant.

Enfin, certaines modifications des habitudes de vie sont parfois nécessaires comme une diminution des consommations d’alcool et de tabac, un bon équilibrage du diabète ou une diminution des microtraumatismes professionnels répétés.

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Dupuytren sévère bilatéral chez un travailleur de force. Atteinte asymétrique et prédominante sur les derniers doigts

Des traitements adaptés aux stades de la maladie

Les traitements pour une Dupuytren doivent être adaptés aux stades de la maladie mais également à la vitesse évolutive de l’atteinte. Une maladie de Dupuytren qui n’évolue pas est bien évidement moins inquiétante qu’une Dupuytren qui provoque une rapide rétraction des doigts de la main. Le terrain sur laquelle la Dupuytren se développe est également essentiel. Un patient en bonne santé et sans habitudes de vie défavorables n’aura pas la même prise en charge qu’un patient diabétique, épileptique, sous anticoagulant ou ayant une forte consommation alcoolo-tabagique.

Il n’y a donc pas de prise en charge standardisée de la maladie de Dupuytren. L’expérience joue beaucoup pour appréhender le meilleur choix stratégique, tout en sachant néanmoins que la maladie de Dupuytren est une pathologie capricieuse et parfois très imprévisible. Même si le plus souvent, une bonne analyse de la situation permet de limiter fortement les risques de surprise.

Toutefois certains patients ont un terrain génétique très défavorable. Ils seront alors susceptibles d’avoir une évolution péjorative malgré tous les traitements proposés, là où d’autres pourront grâce aux traitements obtenir une guérison complète de la maladie.

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A droite : Bon résultat à 5 ans de recul avec greffes de peau - A gauche : Mauvais résultat à 3 ans de recul sans greffes de peau

Il faut donc savoir en cours d’évolution de la maladie de Dupuytren parfois revoir sa stratégie initiale. Les traitements pour la Dupuytren seront adaptés aux résultats constatés, tout en ayant dès le début de la prise en charge pris soin d’envisager les différentes évolutions possibles et les contre-mesures correspondantes pour être à même d’offrir les meilleures chances en toutes circonstances.

Cette approche médico-chirurgicale amène parfois à opérer la main la moins atteinte pour voir la qualité de la réponse propre au patient, et ainsi ensuite choisir au mieux la stratégie optimum pour la main la plus atteinte qui sera alors plus ou moins agressive mais adaptée à la réponse au traitement.

Le traitement non chirurgical de Dupuytren

Le traitement appelé non chirurgical de la maladie de Dupuytren a constitué une importante révolution dans la prise en charge des patients. Le principe de ce traitement repose sur la section simple d’une corde de Dupuytren sans en réaliser l’ablation. En effet, les cordes pour certaines formes de Dupuytren sont très bien délimitées, visibles et d’accès simple à une section isolée. Comme lorsque l’on coupe un câble tendu, la corde une fois coupée va se relâcher et laisser le doigt s’étendre. Ce traitement appelé aponévrotomie de Dupuytren se fait donc sans ouverture ou avec une ouverture minuscule. Il est en fait à cheval entre le traitement médical et le traitement chirurgical.

En effet, la section de corde était depuis le baron Dupuytren effectuée par une petite incision millimétrique dans la paume de la main et permettait d’obtenir une extension le plus souvent excellente du doigt concernée. Cependant les chirurgiens qui seuls effectuaient cette section, considéraient et considèrent encore que la simple section d’une corde n’est pas suffisante. Ils associaient donc dans le même temps opératoire la résection de la corde et la suppression de tout le tissu malade pour limiter le risque de voir réapparaitre la maladie rétractile pour le doigt concerné.

Le traitement de la maladie de Dupuytren à l'aiguille

L’équipe de l’URAM (Unité des Affections Rhumatologiques de la main) de Lariboisière à Paris a simplifié cette approche sous l’impulsion du Docteur Lermusiaux et de l’ensemble des praticiens du service. Elle n’a retenu comme traitement que la section de la corde, effectuée par une fragilisation avec de petites aiguilles plutôt que par la pointe d’un bistouri. La corde de Dupuytren ainsi fragilisée est ensuite cassée par la mise en extension du doigt par une traction manuelle. Cela correspond de façon imagée à la méthode que l’on utilise enfant pour délimiter un dessin avec la pointe d’un compas pour ensuite le découper sans paire de ciseaux.

L’intérêt de cette technique, appelée aponévrotomie à l’aiguille, est d’éviter une incision dans la paume de la main, tout en obtenant un gain d’extension important. Le fait de laisser le tissu pathologique de Dupuytren dans la paume laisse de petits renflements durs. Ils sont peu gênants et l’utilisation de la main peut donc être rapidement normale.

La récidive de la rétraction des doigts est fréquente avec cette technique de traitement de Dupuytren à l’aiguille, mais de façon variable allant de très rapide à nulle. Cette technique doit être renouvelée au fil du temps, souvent tous les deux ou trois ans. Cela permet en tous cas de retarder parfois de façon très conséquente l’heure d’un traitement chirurgical de Dupuytren plus complexe et parfois de suffire comme traitement évitant ainsi un recours chirurgical.

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Aponévrotomie à l'aiguille en cours de réalisation

Dans le traitement de Dupuytren, l’aponévrotomie à l’aiguille est donc extrêmement intéressante. Cette technique a été reprise dans le monde entier par des médecins rhumatologues et les chirurgiens. Elle est pratiquée bien sûr à l’URAM dans le service de rhumatologie de l’hôpital Lariboisière qui en à la genèse. L’URAM a formé la plupart des experts en ce domaine dans le monde entier et contribue à de nombreuses études scientifiques sur l’évaluation et l’évolution de cette technique.

Le traitement chirurgical

Il n’existe pas une seule opération de la maladie de Dupuytren mais plutôt différentes possibilités de prise en charge chirurgicale. Par opération, on entend une intervention réalisée au bloc opératoire. Cela va donc dans l’ordre de :

  • La simple section d’une corde de Dupuytren appelée aponévrotomie,
  • L’ablation complète d’une corde de Dupuytren appelée aponévrectomie, avec la possibilité d’y associer la mise en place d’une greffe de peau,
  • La réalisation d’un blocage articulaire du doigt appelée arthrodèse,
  • L’amputation d’un doigt dans certains cas très exceptionnels.

Quelle est la place de la chirurgie dans la maladie de Dupuytren avec résection du tissu malade ?

Les indications chirurgicales dans la maladie de Dupuytren concernent les patients qui ne sont pas suffisamment améliorés par l’aponévrotomie à l’aiguille. Cela concerne donc tous les patients qui ne vont pas avoir un gain d’extension global suffisant, mais aussi ceux qui en dépit d’un gain global d’extension correct vont garder un flessum de l’articulation interphalangienne proximale du doigt (IPP) notable ou qui s’aggrave. En effet, l’enraidissement articulaire de l’interphalangienne proximale (IPP) reste le principal problème à résoudre en cas de traitement chirurgical. Cette complication après l’opération reste à l’origine de l’essentiel des échecs du traitement par la persistance possible de la rétraction en flexion du doigt si celui-ci est traité tardivement.

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Rétraction sévère en crochet des 4ème et 5ème doigts nécessitant une chirurgie difficile

Cette rétraction articulaire est l’élément essentiel de la rétraction en crochet du doigt dans la paume. Elle reste la préoccupation majeure de l’atteinte de Dupuytren par le handicap fonctionnel sévère qu’elle occasionne. Il convient donc de ne pas se contenter d’une amélioration même importante d’amplitude au niveau de la rétraction en flexion de la métacarpo-phalangienne (MP) si cette amélioration s’accompagne d’une stagnation ou d’une aggravation de la rétraction en flexion de l’interphalangienne proximale (IPP). 

Le traitement chirurgical de Dupuytren repose pour les formes simples sur la suppression du tissu malade appelé aponévrectomie sélective.

On peut associer différents gestes techniques à cette résection du tissu malade en fonction de l’atteinte de Dupuytren qui peuvent être :

  • Une libération articulaire si l’articulation est trop raide,
  • Une greffe de peau si le terrain expose fortement à une récidive.

La place des traitements naturels et de la médecine douce

Malheureusement, il n’existe pas réellement de place pour la médecine naturelle ou les médecines douces pour traiter la maladie de Dupuytren. L’application de pommade anti-inflammatoire dans les phases d’apparition ou de poussée n’est pas réellement efficace mais peut être néanmoins tentée. La traction visant à garder la souplesse des doigts est toujours bienvenue. Malgré tout, elle n’empêche pas la poursuite de la rétraction digitale par la fibromatose de Dupuytren sans la ralentir.

Certains gestes à éviter et recommandations font partie de ces traitements dit naturels :

  • La diminution de la consommation d’alcool et de tabac, allant dans l’idéal jusqu’à un arrêt complet,
  • De bonnes règles hygiéno-diététiques chez un diabétique,
  • La limitation des microtraumatismes de la paume de la main, qu’ils soient professionnels ou sportifs,
  • Le port de gants de protection, l’utilisation de matériel sportif et d’outils adaptés afin d’éviter des contusions répétées de la paume de la main.
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Protection contre la Dupuytren chez les gens à risque : Pas d'alcool et port de gants de protection