Traitements naturels et médicaux de la maladie de Dupuytren
Les traitements médicaux de Dupuytren, injection de collagénase, corticoïdes locaux, pommade et autres traitements naturels n'apportent pas aujourd'hui de solution probante pour soigner ou ralentir cette maladie de la main.
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La maladie de Dupuytren pose de nombreux problèmes thérapeutiques qui ne sont pas encore résolus. Les recherches sur les mécanismes physiopathologiques du développement et de l’extension de la maladie, ainsi que sur les solutions et les indications thérapeutiques doivent se poursuivre. Les différents traitements per os (médicaments avalés) n’ont pas aujourd’hui fait la preuve de leur efficacité, ni dans le traitement ni dans la prévention des récidives.
La complémentarité des techniques chirurgicales et de l’aponévrotomie à l’aiguille ne se discute plus. De nombreux traitements médicaux ou physiques ont été essayés dans cette indication mais aucun traitement médical de la maladie de Dupuytren n’a prouvé son efficacité sans section mécanique ou enzymatique des cordes.
Une revue détaillée de la littérature ne permet pas de mettre réellement en avant quelques produits qui pourraient dans l’avenir avoir un intérêt thérapeutique dans le traitement ou dans la prévention des récidives après aponévrotomie à l’aiguille ou chirurgie.
La collagénase de clostridium histolyticum : Le Xiapex
Le collagène est la protéine polymérisée la plus abondante dans le monde vivant. Elle représente plus d’un tiers de toutes les protéines de l’homme et compose 75 % de notre peau. C’est le constituant principal de l’aponévrose palmaire et la seule enzyme capable de dégrader les fibrilles hélicoïdales du collagène est la collagénase.
Les résultats d’une étude en double aveugle contre placebo (phase 2) ont été publiés en 1999 (1). Elle portait sur 49 patients :
- Des 25 patients qui ont reçu une injection simple de collagénase, 18 ont été améliorés avec récupération d’une extension du doigt traité entre 0 et 5 degrés, le contrôle étant effectué à 7 et 14 jours et à 1 mois (soit 72% de bons résultats).
- Pour le groupe placebo, 2 des patients ont eu une légère amélioration.
En 2002, M.A. Badalamente (2) a présenté les résultats d’une étude portant sur 80 patients (64 hommes et 16 femmes) qui présentaient un flessum digital moyen de 49 degrés. Ces patients atteints d’une Dupuytren ont été traités par injection de collagénase avec 2500, 5000, 10000 unités ou avec un placebo.
Pour les patients traités en palmaire :
- 13/16 patients traités par 10000 unités de collagénase ont récupéré une extension normale (0-5 degrés), soit 81%;
- 6/15 patients traités en palmaire par 5000 unités de collagénase ont récupéré une extension normale (0-5 degrés), soit 40%;
- 7/14 patients traités en palmaire par 2500 unités de collagénase ont récupéré une extension normale (0-5 degrés), soit 50%;
- 0/10 dans le groupe placebo.
Une extension totale du doigt a été obtenue chez certains patients atteints par un flessum de l’inter phalangienne proximale :
- 5/7 patients traités par 10000 unités de collagénase;
- 4/7 patients traités par 5000 unités de collagénase;
- 2/4 patients traités par 5000 unités de collagénase;
- 0/7 dans le groupe placébo.
Des résultats jugés décevants en France
Les effets indésirables du traitement au collagène pour un Dupuytren ont été peu importants :
- Douleur à la pression au point d’injection,
- œdème de la main (palmaire et dorsal),
- Hématome localisé et douleur ulnaire intermittente avec irradiation au coude et au creux axillaire.
Tous ses effets secondaires se sont estompés en 5 à 14 jours après l’injection. D’après les résultats des études et les témoignages de patients traités par la collagénase, il semble que ce traitement médical de Dupuytren corresponde à une simple «fasciotomie » enzymatique par aponévrolyse (3). Cette étude montre que 78% des patients traités par « fasciotomie » enzymatique et initialement satisfaits, avaient récidivé dans les trois ans suivant le traitement.
Celui-ci semble donc ne rien apporter par rapport à une aponévrotomie à l’aiguille. L’idée d’une association collagénase-aiguille ne parait pas avoir d’intérêt particulier, puisque le taux de récidive ne semble pas diminuer par l’utilisation de l’enzyme.
En France, la collagénase de clostridium histolyticum (Xiapex) au vu de ces résultats décevants a reçu par la Haute Autorité de Santé (HAS) un avis défavorable au remboursement en raison des incertitudes sur son intérêt clinique et sur sa tolérance.
Les inconvénients de cette technique de traitement médical dans la maladie de Dupuytren sont le coût important du Xiapex et de son injection, des douleurs et une inflammation parfois importante du site injecté et la nécessité fréquente de tracter sur la zone injectée à 48 heures de l’injection initiale.
La colchicine, un potentiel traitement en cours d'évaluation
La colchicine est le médicament traditionnel de la goutte. Son excellente tolérance et son innocuité à faibles doses sur le long cours sont bien connues. Ce médicament est aussi utilisé classiquement dans certaines maladies systémiques inflammatoires et fibrosantes, telles que la sclérodermie, la sclérose pulmonaire idiopathique, la mucoviscidose à forme pulmonaire (4). Son action a pour effet de réduire la production des fibres de collagène par les myofibroblastes et d’inhiber in vitro la multiplication des fibroblastes.
Dans deux essais récents de traitement de la maladie de Lapeyronie par la colchicine (5), les auteurs ont fait état de bons résultats consistant en une réduction des plaques fibreuses dans 50 % des cas, pour des doses de 1 mg par jour pendant des durées de trois à cinq mois.
L’Unité des Affections Rhumatologiques de la Main de l’Hôpital Lariboisière (URAM) a tenté la même expérience sur une courte série de maladies de Dupuytren. La prise de colchicine, avec une dose de 1mg par jour pendant des durées supérieures à trois mois, aurait un effet bénéfique sur l’évolution de certaines formes.
Cet ensemble de faits encourageants est en cours d’étude à l’URAM pour tenter de démontrer l’effet bénéfique de la colchicine sur le cours de la maladie de Dupuytren, mais qui pour l’instant n’est pas encore démontré.
Le Vérapamil
Le Vérapamil (isoptine®) est un inhibiteur calcique cardio-sélectif utilisé par les cardiologues pour le traitement de l’angor et la prévention des tachycardies paroxystiques supra-ventriculaires. Son utilisation dans le traitement médical de la maladie de Dupuytren (et également dans la maladie de Lapeyronie) (6) est basée sur la capacité des inhibiteurs calciques à inhiber in vitro et in vivo la synthèse de la matrice extracellulaire. Celle-ci comprend le collagène, mais également les glycosaminoglycanes et la fibronectine.
Rayan et coll. (7) ont démontré in vitro que le Vérapamil avait une action freinant la rétraction fibromateuse dans la maladie de Dupuytren. Une pommade au Vérapamil est disponible sur internet, bien qu’elle soit délivrée sur ordonnance médicale. Le laboratoire préconise l’utilisation de sa préparation à 2 % dès le stade nodulaire.
A ce jour, aucune étude sérieuse n’a démontré que cette pommade dans la maladie de Dupuytren avait une efficacité à long terme.
Les traitements corticoïdes locaux
Les corticoïdes injectables
Au cours de l’aponévrotomie à l’aiguille, l’Unité des affections rhumatologique de la main de l’Hôpital Lariboisière (URAM) à Paris utilise une faible dose d’acétate de prednisolone, (Hydrocortancyl®) 1ml pour 5ml de lidocaïne à 2% (Xylocaïne®) afin d’empêcher ou d’amoindrir une possible réaction inflammatoire. Il faut distinguer cet emploi de celui de corticoïdes puissants à effet retard, conjonctivo-atrophiants (acétonide de triamcinolone et cortivazol) que l’on injecte dans les nodules fibreux de la maladie de Lapeyronie.
D’autre part, ces corticoïdes sont aussi à distinguer de l’emploi de l’acétate de prednisolone en suspension, mélangé à parts égales à la lidocaïne à 2% dans le traitement des nodules fibreux isolés de la paume de la main (comme on le fait dans la maladie de Ledderhose).
Ici, la régression recherchée des nodules de Dupuytren est due à l’action mécanique de l’aiguille qui désorganise les fibres du nodule, conjuguée à l’action métabolique atrophiante de la cortisone qui le ramollit.
Les dermocorticoïdes
Le clobétasol (Dermoval®) pourrait être indiqué dans le traitement des nodules de Dupuytren douloureux isolés de la paume. On l’utilise à raison de deux applications par 24 heures sur une courte durée de quelques jours.
Toutefois ce produit est atrophiant et majore le risque d’infections et d’aggravation de mycoses. En utilisation prolongée (supérieure à sept jours), ce traitement médical peut provoquer une dermite suintante. Il reste donc peut adapté et non recommandable. Il n’y pas d’action sur les douleurs qui ne font pas parties des symptômes de la maladie de Dupuytren.
La médecine douce, les traitements naturels et la médecine physique dans la maladie de Dupuytren
De multiples techniques de « médecine physique » ont été proposées depuis de nombreuses années. Malgré certaines descriptions très détaillées et parfois même dithyrambiques sur leur intérêt, nous n’avons pas trouvé d’études précises sur l’efficacité de ces traitements naturels ou de médecine douce dans la maladie de Dupuytren.
Nous les citerons ici, sans pour autant pouvoir préciser leur place réelle dans cet arsenal thérapeutique. Classiquement utilisés en kinésithérapie, les ultrasons et les ionisations ont pu être essayés dans certaines maladies de Dupuytren, notamment les formes douloureuses (ces formes restent exceptionnelles). Une équipe de chiropracteurs du Missouri (8) décrit très précisément une technique de ionophorèse et de phonophorèse, basée sur l’utilisation de trypsine, d’alphachymotrypsine, de hyaluronidase et de lidocaïne, suivie de tractions énergiques sur le doigt.
Les séances sont suivies de rééducation en extension du doigt et d’une immobilisation sur attelle. Cette technique est décrite comme douloureuse par ses promoteurs. A noter qu’aucune étude statistique ne fait suite à cette description. C‘est aussi le cas des propositions de séances d’acupuncture, de mésothérapie, d’ostéopathie ou encore de magnétothérapie.
On peut aussi trouver en vente directe sur Internet toutes sortes de traitements médicaux locaux ou remèdes pour la maladie de Dupuytren à base de plantes ou huiles essentielles. Il existe par exemple un onguent à base de germe de blé (élément à teneur élevée en vitamine E), sans qu’aucune preuve scientifique ne permette de recommander l’utilisation de ces traitements naturels.
SOURCES :
(1) (Hurst LC, Badalamente MA. Related Articles Nonoperative treatment of Dupuytren’s disease. Hand Clin. 1999 Feb;15(1):97-107, VII. Review)
(2) (Badalamente MA, Hurst LC. Enzyme injection as non surgical treatment of Dupuytren’s disease. Hand Surg [Am]. 2000 Jul ; 25(4): 629-36)
(3) (Hueston J. Enzymic fasciotomy. Hand 1971; 3:38-40). En 1992, Mc Carthy (Mc Carthy DM. The long-term results of enzymic fasciotomy. J Hand Surg [Br]. 1992 Jun ; 17(3) : 356.)
(4) (Dominguez-Malagon H.R, Alfeiran-Ruiz A, Chavarria-Xicotencatl P, Duran-Hernandez M.S. Clinical and cellular effects of colchicine in fibromatosis. Cancer. 1992 May 15;69(10):2478-83.)
(5) (Kadioglu A.; Tefekli A.; Koksal T.; Usta M.; Erol H. Treatment of Peyronie disease with oral colchicine: long-term results and predictive parameters of successful outcome. Int. J. Impot. Res 2000 ; 12 : 289-93)
(6) (Rehman J, Benet A, Melman A. Related Articles Use of intralesional verapamil to dissolve Peyronie’s disease plaque: a long-term single-blind study. Urology. 1998 Apr;51(4):620-6.)
(7) (Rayan GM, Parizi M, Tomasek JJ. Pharmacologic regulation of Dupuytren’s fibroblast contraction in vitro. J Hand Surg [Am]. 1996 Nov;21(6):1065-70.)
(8) (Davis RV : Therapeutic Modalities for the Clinical Health Sciences, ed 1. Copyright – Library of Congress, TXU-389-661, 1983)